L’excision à l’heure du retour aux Traditions !

Lors de son entretien accordé à la RTB à l’occasion de la Semaine nationale de la culture, tenue du 27 avril au 4 mai 2024 à Bobo-Dioulasso, le président du Faso a appelé les Burkinabè à un “retour à la source”. Ce message, exprimé dans le cadre de discussions sur la Journée des coutumes et des traditions, visait à encourager la préservation de notre identité collective et à promouvoir les valeurs positives qui enrichissent nos traditions.

 Cependant, une partie de la société a malheureusement mal interprété cet appel, allant jusqu’à légitimer des pratiques traditionnelles préjudiciables comme l’excision.

Bien que l’excision soit profondément enracinée dans certaines coutumes, il est aujourd’hui essentiel de dire un non ferme à l’excision. Ses conséquences dévastatrices sur la santé physique et mentale des jeunes filles, ainsi que les graves violations des droits humains qu’elle engendre, ne peuvent plus être ignorées.

Cet article vise à sensibiliser la population burkinabè sur les impacts de l’excision, tout en clarifiant les véritables intentions positives du président dans son appel au “retour à la source. Qu’est-ce que l’excision ?

L’excision, également appelée mutilation génitale féminine (MGF), est une pratique qui consiste à retirer, partiellement ou totalement, les parties externes des organes génitaux féminins, notamment le clitoris. Mais quelle est la proportion des excisées au sien la population ?

Selon le rapport de l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD), le taux de prévalence chez les femmes âgées de 15 à 49 ans était de 75,8% en 2010, de 67,6% en 2015 et a diminué à 56% en 2021.

Concernant les filles âgées de 0 à 14 ans, le taux de prévalence de l’excision était de 13,3 % en 2010. Ce chiffre a baissé à 11,3 % en 2015, avant de descendre encore à 9 % en 2021. Cette baisse illustre l’efficacité des campagnes de sensibilisation sur les dangers de l’excision, qui peuvent être analysés sous divers aspects :

Du point de vue de la santé physique : Lors de l’excision, les jeunes filles subissent souvent une mutilation sans anesthésie, ce qui engendre des douleurs extrêmes et un traumatisme immédiat, parfois accompagné d’hémorragies incontrôlables pouvant occasionner la mort. 

 Réalisée dans des conditions d’hygiène souvent précaires et avec des outils non stériles, elle expose également les victimes à des infections urinaires chroniques, au tétanos et aux risques de transmission du VIH.

Du point de vue mentale : Au-delà des blessures physiques apparentes, l’excision provoque un traumatisme psychologique c’est-à-dire un choc profond et souvent irréversible. Ce geste, souvent justifié par des traditions ou des normes culturelles, laisse des cicatrices invisibles (la dépression et les troubles de la sexualité) qui marquent durablement l’esprit des victimes.

Du point de vue sociale : En plus des souffrances physiques et psychologiques qu’elle engendre, l’excision fragilise également les liens sociaux et communautaires.

Comme en témoigne Kady nom d’emprunt « C’est vrai que ma grande sœur qui a subi l’excision avec moi a eu beaucoup de mal quand elle voulait accoucher. Elle a failli perdre la vie. On lui a dit que c’est à cause des MGF. Moi, je crains même qu’on me touche. Je n’arrive pas à rester avec un petit copain parce que j’ai peur au niveau ‘intimité’ ».

Compte tenu de la baisse du taux d’excision grâce aux campagnes de sensibilisation et aux efforts du gouvernement, et face aux graves conséquences de cette pratique sur la santé et les droits humains, peut-on réellement imaginer que le Président appellerait à légitimer l’excision ? Que voulait-il signifier par son appel au “retour à la source” ?

Le contenu du message : valeurs traditionnelles positives.

L’appel du président au “retour à la source” peut prêter à diverses interprétations, parfois détournées pour légitimer des pratiques néfastes comme l’excision. Pourtant, il est essentiel de souligner que cet appel vise à promouvoir les valeurs fondamentales et positives de nos traditions, et non à encourager des pratiques qui mettent des vies en péril.

Un retour à la source ne doit pas être un retour à des pratiques génératrices de souffrance et d’injustice, mais une réappropriation des valeurs culturelles positives, telles que la solidarité, l’hospitalité et le renforcement des liens familiaux. 

L’excision, comme évoqué précédemment, ne peut incarner ces valeurs traditionnelles positives. Elle porte atteinte à la dignité des femmes, qui sont pourtant les piliers de nos communautés. Elle affaiblit les familles en compromettant la santé, la sexualité et le bien-être des femmes, et freine l’épanouissement collectif. Une société qui mutile ses membres ne peut aspirer à un développement harmonieux.

Le retour à la source, défendu par le président, offre l’opportunité de réexaminer nos pratiques culturelles. C’est un moment pour préserver ce qui élève nos sociétés et rejeter ce qui les nuit. L’excision ne doit plus avoir sa place dans nos vies.

Nous appelons donc toute la population burkinabè à rejeter toute lecture erronée ou négative de ce message. Mobilisons-nous pour promouvoir une culture qui honore les femmes, protège leur intégrité physique et psychologique, et soutient leur rôle central dans nos communautés. Le “retour à la source” est une opportunité de bâtir une société juste et harmonieuse, en phase avec les aspirations de progrès et de respect mutuel.